« Il faudra un jour écrire vos souvenirs et les publier, car c’est avec les témoignages des exécutants que l’on apprend aux jeunes ce que d’autres jeunes ont fait pour la France »  Charles de Gaulle.

En marge du 60° anniversaire de la commémoration de la nuit tragique du 21 août 1944 ( certains diront que l’on en parle un peu trop !!), j’ai voulu rendre hommage à l’une des victimes de ce drame, Claude HENRY, jeune héros de la Résistance, assassiné à l’âge de 20 ans avec son père Max, 40 ans, et dont le parcours exemplaire mérite d’être connu de tous.

La famille Henry est originaire de Lorraine. Le chef de famille, Max, exerce la profession de comptable dans la Meuse, chez Carrières et Scieries de France, l’un des nombreux sièges que cette importante société possède en France. En 1928, Max Henry est muté à Comblanchien dans cette entreprise que l’on nomme toujours Civet-Pommier. Il va y rencontrer, ironie de l’Histoire, un autre martyr de la Résistance, André Lefils.

La famille qui compte deux enfants, Claude né en 1924 et Claire en 1927, s’installe quelques années à Nuits-Saint-Georges, en attendant la construction d’une maison, route nationale 74 (celle de M. Tripard aujourd’hui ).

En 1940, Claude a donc 16 ans. C’est déjà un admirateur du général de Gaulle ! Peut-être a-t-il entendu son appel à la Résistance ! Mais quoi de plus normal, lorsque l’on est natif de cette Lorraine, cette terre de France souillée trois fois en 70 ans par les hordes germaniques ! Il a donc choisi sa voie, celle de l’honneur et de la résistance à l’ennemi, tout en poursuivant de brillantes études.

C’est donc sur les bancs du collège Monge à Beaune qu’il noue les premiers contacts avec des camarades, qui, comme lui, veulent continuer le combat, et ne pas céder au défaitisme du gouvernement de Vichy qui collabore avec l’Allemagne ; ce sont, André Vassault, Hubert Gouachon de Premeaux, et Jean Sérignan entre autres.

En mai 1942, Claude commence son combat de l’ombre. Il assiste André Vassault qui est chargé de mission du Bureau des Opérations aériennes (B.O.A terrains de parachutages ) responsable F.F.I.( Forces Françaises de l’Intérieur) sous les ordres du Colonel Ballet commandant départemental F.F.I. de la Côte d’Or . André Vassault lui confie, dans un premier temps, l’organisation du service des faux papiers et le recrutement pour les corps francs et les groupes sédentaires.

Au mois d’avril 1943, avec le grade de sous-lieutenant, il organise et prend le commandement des éléments du secteur de Nuits-Saint-Georges- Comblanchien. Avec la fougue de sa jeunesse et un dévouement sans faille, malgré les risques encourus, il se lance à fond dans le combat clandestin. Il est partout où il juge sa présence utile. Son activité est éloquente : hébergement de réfractaires, renseignements sur les organisations ennemies qu’il réussit à pénétrer, placardage de proclamation de la Résistance, liaisons entre les différents groupes et approvisionnements de ces groupes en cartes d’alimentation ! A ce sujet, c’est lui, avec Hubert Gouachon et même sa sœur Claire qui « braque » le 29 avril 1944 au matin, le sympathique facteur de Comblanchien Robert Million pour lui « dérober » les cartes d’alimentation des habitants,que ce dernier vient d’aller chercher avec le courrier à la gare de Corgoloin ! Le temps fort de son activité, c’est aussi l’homologation par l’Etat-Major allié d’un terrain de parachutage à Chaux ! Il constitue aussi des dépôts d’armes, comme à Villers la Faye dans les citernes du Château habité par la famille Donche-Gay.

En février 1944, les Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I) sont unifiées. André Vassault est responsable militaire F.F.I. de la région beaunoise. Les différents groupes de Résistance sont organisés en compagnies, et Claude se voit commander l’une d’elles, avec le grade de lieutenant à dater du 15 avril 1944.

Après le débarquement du 6 juin en Normandie, les événements se précipitent. Hubert Gouachon est arrêté le 7 juin à son domicile, André Vassault l’est à son tour le 8 ; arrestations dues certainement à une dénonciation. En effet, il faut savoir que la police allemande, particulièrement efficace dans la région depuis le printemps, n’agissait jamais seule ; des auxiliaires français, et il y en avait de nombreux à Beaune, collaboraient avec cet organisme redoutable qu’était la Gestapo !

Claude, sentant l’étau se resserrer autour de lui, se cache quelques jours chez des amis à Magny les Villers.

Le responsable militaire F.F.I. de la région beaunoise arrêté, Claude ne baisse pas les bras. Avec une témérité sans borne et une foi inébranlable en la victoire, il prend contact avec le capitaine Dufour-Philipot commandant le groupe F.F.I. du secteur sud de la Côte d’Or qui le nomme officier adjoint au commandant du sous-secteur de Nuits Saint-Georges, sous le pseudonyme d’ « Ernest ». Un peu plus tard, Claude exerce son activité sous les ordres du commandant Podechard directeur du sous-secteur de Nuits-Saint-Georges.

Sa sœur Claire se souvient de cette ruche bourdonnante qu’était souvent la maison familiale,où se croisaient, dans le plus grand secret, de nombreux patriotes en quête de renseignements ou de missions à accomplir.

Durant cet été 1944, Claude songe aussi à son avenir ; il prépare un concours pour entrer à la Marine Nationale, lorsque la paix sera revenue. Il donne aussi des cours de français aux élèves qui fréquentent les cours professionnels de la pierre qui se tiennent à la salle des fêtes, depuis le printemps 1943. Le vendredi 19 août 1944, à la fin du cours, ses élèves bavardent une dernière fois avec lui et son père Max qui se trouve ce jour là à ses côtés, bien loin d’imaginer les événements graves qui dans deux jours leur seront fatals !

En cette fin de journée très ensoleillée du lundi 21 août 1944,vers 20h30, Claude et son ami, et presque voisin, Henry Robert reviennent de Nuits-Saint-Georges, ne manquant pas de disserter, au milieu du vrombissement des convois allemands qu’ils croisent, sur cette libération tant attendue et qu’ils sentent toute proche. Ils se séparent, avec cependant une inquiétude à la vue des camions allemands vides qui stationnent en direction de Dijon, en face la maison J. Belin à Premeaux, mais loin d’imaginer la tragédie qui s’annonce, car ce soir là, Claude a prévu d’organiser une réunion chez Alphonse Liger, rue du Miroir à Comblanchien,( un gaulliste convaincu lui aussi ) pour expliquer aux membres sédentaires du village le fonctionnement de la mitraillette anglaise « Sten ». Effectivement, l’heure de la libération approche, et il faut que chacun soit prêt à accomplir son devoir, à faire enfin le coup de feu tant attendu, aux côtés des armées de la Libération ! Vains espoirs !!

 

Malheureusement, vers 21h.45, ce sont d’autres coups de feu qui éclatent ça et là dans le village. Claude et sa sœur Claire se cachent au sous-sol de la maison. On frappe à la porte, Max Henry va ouvrir ; il est abattu à bout portant par une rafale de pistolet –mitrailleur dans la tête ! Claude, entendant la rafale sort de sa cachette, entre à l’intérieur de la maison où des soudards ivres de folie et de sang, rassemblent tout ce qui peut brûler. L’un d’eux recherche des armes, Claude répond par la négative, et invite le soldat à visiter la maison. A l’étage, une courte conversation s’engage, en allemand, entre le bourreau et sa future victime. Que se disent-ils ? Nous ne le saurons jamais ! Claire, restée dehors dans la cour arrière, voit, dans l’embrasure d’une fenêtre, son frère vivant pour… un court instant. En descendant de l’étage, Claude est abattu d’une balle dans la tempe par la brute sanguinaire casquée qui est à ses côtés, sous les yeux de sa mère, et à quelques mètres du cadavre de son père, alors que la maison familiale commence à être la proie des flammes.

CLAUDE HENRY AVAIT 20 ANS. Ainsi disparaissait tragiquement, à la fleur de l’âge, celui qui, il y a que quelques années, n’était encore qu’un collégien, et qui devint un résistant actif, clairvoyant, courageux, qui a accompli son devoir avec beaucoup d’abnégation,et dont le seul but, dans sa courte vie était de servir sa Patrie. Son camarade de combat, Jean Sérignan, qui seul, a échappé à l’arrestation, écrivait dans « Beaune-Information » du 21 octobre 1944 :

« N’oubliez jamais, que selon Vichy, de tels héros n’étaient que des traîtres à la solde de l’étranger »

Par une décision du Secrétariat aux Anciens Combattants du 23 juin 1945, Claude Henry et son père Max, ainsi que les autres victimes de la nuit du 21 août 1944, ont été reconnues « Mortes pour la France »

Claude Henry a été décoré, à titre posthume, de la Croix de Guerre avec étoile de vermeil et citation à l’ordre du Corps d’armée en février 1947, et de la Légion d’Honneur en juillet 1949.

Hubert Gouachon est décédé au camp de Mauthausen à la fin de l’année 1944.

André Vassault, Croix de Guerre, Médaille de la Résistance a survécu à sa déportation au camp de Neuengamme.

Claude Henry et ses compagnons étaient des combattants de l’ombre, des anonymes. Dans un message à la BBC le 22 septembre 1942, Pierre Brossolette, grand résistant, qui a préféré le suicide plutôt que le face à face avec ses tortionnaires, rendait hommage avec force mais avec beaucoup d’émotion à tous ces combattants :

« A côté de vous, parmi vous, sans que vous le sachiez luttent des hommes…Tués,blessés, fusillés, torturés, chassés toujours de leur foyer, coupés souvent de leur famille… régiment sans drapeau dont les sacrifices et les batailles ne s’inscriront pas en lettres d’or dans le frémissement de la soie mais seulement dans la mémoire fraternelle et déchirée de ceux qui survivront ….L a gloire est comme ces navires où l’on ne meurt pas seulement à ciel ouvert mais aussi dans l’obscurité pathétique des cales…C’est ainsi que luttent et meurent les hommes du combat souterrain de la France. Saluez-les Français, ce sont les soutiers de la gloire ! »

 

                                                                                                                                                               

Sources:

Documentation de Madame Vogel et archives communales.

Comblanchien village -martyr 21 22 août 1944 de M. Vigreux et J. Cortot.

Comblanchien, ses carrières, ses vins son expansion au XX° siécle de J. Cortot.

Jean Moulin de J.P. Azéma

"Beaune-Information" du 21 octobre 1944.

Témoignage de Henri Voillard.