Claire VOGEL 17ans en 1944: "Ma mère et moi avons sorti les deux corps de la maison en flamme afin qu’ils ne soient pas brûlés"

« Dès les premiers coups de feu,  mon frère Claude et moi, nous nous sommes réfugiés dans le sous-sol. Lorsque les Allemands ont frappé à la porte de notre maison, mon père est allé ouvrir, il a été immédiatement abattu à bouts portant par une rafale de mitraillette dans la tête. Mon frère Claude entendant ces coups de feu, est sorti du sous-sol. Parlant allemand, il a pensé faire face à la situation, en discutant avec les soldats. Face à eux, il dit à ma mère : « Ils demandent si nous avons des armes » (pendant ce temps des soldats regroupaient tout ce qui pouvait brûler). Mon frère leur fit visiter la maison ; il monta à l’étage avec un soldat, et je me souviens, étant sortie du sous-sol, mais restée dans la cour, avoir vu mon frère discuter avec un soldat casqué, derrière une fenêtre au premier étage de notre maison . C’est en descendant de l’étage que mon frère Claude a été abattu par l’allemand qui l’accompagnait, d’une balle dans la tempe. Ma mère et moi avons sorti les deux corps de la maison en flamme afin qu’ils ne soient pas brûlés. Puis nous nous sommes enfuis, avec notre immense chagrin dans le jardin attenant à la maison. Jusqu’à la fin de mes jours, je n’oublierai jamais ce moment. Je pense que les Allemands ignoraient que mon père Max et mon frère Claude faisaient partie de la Résistance. (Armée Secrète). »

 

 

Renée BAUDOT  26 ans en 1944:  "maman a ramassé sa sœur Mathilde qui gisait sur les deux premières marches"

« Un cheminot de Nuits St Georges, terminant son service vers six heures du matin le 22 août, nous apprit ce qui s’était passé à Comblanchien ; aussitôt nous décidâmes de partir à Comblanchien à bicyclette, avec Monsieur Travaillien qui arrivait de Comblanchien, lui même sinistré et qui venait nous prévenir.

Arrivés à la maison de mes grands- parents, située en bordure de la RN 74, presque en face de l’hôtel-restaurant du Balcon, celle-ci n’avait pas été incendiée   (c’est la seule du quartier) mais, à l’intérieur, l’horreur était à son comble : maman a ramassé sa sœur Mathilde qui gisait sur les deux premières marches extérieures, tuée d’une balle dans l’œil. Quant à ma grand- mère, elle gisait devant la cheminée, assommée dans le dos probablement à coups de crosse ! »

 

 

 

 

 

Henry ROBERT  24 ans en 1944 "Les Allemands embusqués, nous ont repérés, et laissés entrer dans le piège tendu".

 

« Ce 21 août 1944, il est environ 20h30, nous revenons de Premeaux, Claude Henry et moi. C’est une belle journée d’été et le soleil se couche dans la tranquillité d’un ciel calme et pur. Nous devisons l’ un et l’autre, et malgré la gravité des évènements, nos cœurs sont pleins d’espérance, espoirs de libération et de liberté retrouvées. L’armée allemande est en retraite et nous savons au fond de nos cœurs que la Bourgogne et la France tout entière seront bientôt libérées. Nous arrivons ainsi près de la maison Confuron, située à l’angle de la rue de Prissey, et là, un certain nombre de camions allemands vides de soldats, s’offre à nos yeux. Etonnés et inquiets, nous en faisons la remarque.

Quelques deux cents mètres plus loin, nous nous quittons, il arrive chez lui. Je ne devais plus revoir mon ami Claude, abattu avec son père, sous les yeux de sa sœur et de sa mère, à côté de leur maison en flammes.

 

En quelques coups de pédales, me voici à la maison, où inquiète, ma femme m’attend. Il ne passe que très peu de temps, avant que les premiers coups de feu n’éclatent, venant de tous côtés.

Les camions vides de Premeaux !

Il semble évident, que lorsque nous, Claude et moi, entrons dans Comblanchien, le village est déjà complètement bouclé, et que les Allemands embusqués, nous ont repérés, et laissés entrer dans le piège tendu.

A partir de là, tout se déroule très vite, les coups de feu se multiplient et bientôt des lueurs d’incendie s’allument en bas de Comblanchien vers la plaine.

 

Bientôt aussi, des cris, des bruits de bottes, des coups de feu, des grenades claquent tout près. Au travers des volets fermés, j’aperçois les premiers soldats, armés, casqués, bottés. Alors, comme dans un film d’épouvante, je les vois défoncer les portes, pénétrer dans les maisons voisines. Ils bousculent et frappent sans ménagement, hommes et femmes et aussitôt mettent le feu. Les maisons brûlent comme des torches. Le café du Balcon, les maisons Chapuzot et Pallarès sont en flammes.

Mais bientôt c’est notre tour et la porte d’entrée massive, cède sous les coups de crosse répétés et l’éclatement d’une grenade, ouvrant le passage à trois soldats qui se précipitent sur moi en me mettant en joue. Sans plus attendre ils mettent le feu, alors que nous sommes encore dans la maison.

 

Poussés, bousculés, ma femme, Jean-Pierre ( 22 mois) dans mes bras, nous nous retrouvons près de l’église, avec nos voisins, dont certains surpris alors qu’ils viennent de se coucher, sont à peine habillés.

Bientôt nous nous retrouvons nombreux, hommes, femmes et enfants, parqués comme du bétail et menacés par les armes des soldats excités, quelques-uns sont ivres.

Ils essaient d’ouvrir la porte de l’église, par bonheur ils n’y réussissent pas, et pensent sans doute employer « les grands moyens ».

Partout la fusillade continue, tirs d’armes automatiques, grenades, d’autres maisons flambent un peu partout

Il semble que l’on s’achemine vers une destruction massive du village et que le nombre des victimes va s’allonger.

Dès lors, je contacte mes voisins, mes amis arrêtés comme nous, pour tenter d’échapper à cet étau que je sens se refermer implacablement.

Mais notre position est telle, au milieu du village, et les incendies assurent une clarté qui rend toute fuite risquée, personne n’ose.

C’est alors qu’un jeune garçon (16 ans ) Louis Champeau, se décide à tenter l’aventure, mais le temps passe et je désespère d’avoir l’occasion qui nous laisse une chance de réussite.

Elle va se présenter, brusquement au moment où un Feldwebel en hurlant, fait rassembler les hommes d’un côté, les femmes et les enfants de l’autre.

 

Il s’agit, paraît-il, de rassembler les prisonniers hommes, sur la place de la mairie. Les Allemands encadrent la colonne, par devant, par derrière, et sur le milieu de la route, aucun le long du mûr du parc, haut de deux mètres, et qui borde la rue.

Le hasard nous facilite les choses, ma femme qui m’a suivi, Louis Champeau et moi même, avec Jean-Pierre, notre fils dans les bras, nous descendons, au milieu de la colonne rasant le mûr, surtout qu’un peu plus bas, avant la mairie, le mûr s’arrête et permet de disparaître à son angle et de pénétrer dans le parc. Il est vrai que nos compagnons d’infortune au courant de notre projet ont resserré les rangs autour de nous, pour faciliter notre entreprise. Elle réussit, malgré l’intervention un peu tardive de deux soldats qui tirent sur nous sans nous atteindre, et n’osent pas nous poursuivre au travers du parc.

 

Peu après, nous réussissons à traverser la route nationale, puis à pénétrer dans les vignes, au milieu desquelles, rang après rang et avec la plus grande prudence, nous nous éloignons de notre malheureux village, jusqu’à la limite des carrières et du bois.

Là, nous nous arrêtons, et, bouleversés, nous voyons Comblanchien éclairé par les lueurs d’incendie, une cinquantaine de maisons brûlent, ainsi que des granges, des écuries, des bâtiments agricoles. Nous entendons des coups de feu, des tirs d’armes automatiques, des cris d’habitants affolés, des ordres hurlés par des soldats déchaînés, ivres de sang et de vin.

 

Nous sommes sans nouvelles de nos parents, des oncles, tantes et amis pour lesquels nous avons les plus grandes inquiétudes, nous savons parce que dans la traversée du parc, nous avons vu leurs maisons brûler, qu’ils sont là dans la nuit, cachés, prisonniers, blessés ou morts, et nous tremblons pour eux.

Nous tremblons aussi, pour tous les habitants du village. Qu’arrivera-t-il, si demain au petit jour, les Allemands sont encore là ?

Nous gagnons le village voisin de Chaux, où Monsieur et Madame Paul Bonnaire nous accueillent avec une grande gentillesse, dont nous gardons le souvenir cinquante ans plus tard. »

 

 

 

Mme PASCALE avait 35ans  "les balles sifflaient au dessus de nos têtes ; maman ne pouvait plus nous suivre"

« Vers 22 heures, nous voyons le feu au cœur du village, sans savoir pourquoi. A 22h30 les Allemands arrivent  chez nous à la maison de mon père Blaise Lieutard, 61 ans, en criant, fous furieux et ivres ! Ils donnent l’ordre d’ouvrir la porte du jardin, papa arrive vers eux et demande ce qu’il voulait ; sans une réponse, ils tirent sur lui une rafale de mitraillette, suivie d’un grand cri, il est mort !

Quant à nous, nous nous sommes cachés dans le petit atelier de papa situé à côté de la maison, sans qu’ils nous voient, grâce à la présence d’une haie de roseaux. Ils criaient, cherchaient à tuer ; c’est à coups de grenades que la maison a été incendiée ! La chaleur était épouvantable, et pas question de bouger, ils nous auraient tués ! Enfin ils sont partis, et en avons profité de partir dans les vignes du côté de Corgoloin, en rampant sur le ventre ; les balles sifflaient au dessus de nos têtes ; maman ne pouvait plus nous suivre.

Le calme est revenu au matin du 22, avec la perte de papa, plus de maison, plus d’argent, plus de vêtements. J’étais seulement en combinaison, comme il faisait chaud, et que j’étais sur le point d’aller au lit. C’est un monsieur qui m’a prêté sa veste, et nous avons été hébergés par la mairie en attendant du secours.

Maman est morte de chagrin, n’ayant pu survivre à cette vision, et André avait perdu la parole ! Je n’oublierai jamais et jusqu’à ma mort, je resterai avec mon chagrin"

 

 

Jacky CORTOT  11 ans en 1944 " Ma mère s'écria: Partons, ils brûlent les gens dans les maisons ! "

" Le soir du lundi 21 août 1944, vers 21h30, pendant que nous finissions de manger, des coups de feu éclatèrent. On a pensé sur le moment que ces coups de feu étaient tirés par la patrouille allemande à l'encontre d'un voisin qui ne fermait pas ses volets, les camouflages des lumières étant de rigueur à cette époque. Puis une accalmie survint, nous partîmes nous coucher, mais pour très peu de temps: les coups de feu reprirent, fusils et armes automatiques. Vite debout ! Que se passe t-il donc ? L'électricité s'éteignait puis revenait. A la faveur de l'obscurité, je montai sur le bord intérieur de la fenêtre de notre cuisine et je vis que la maison située à l'extrémité de notre rue commençait à brûler. Il semblait que c'était l'incendie d'un hangar de paille construit à proximité qui avait mis le feu à cette maison. Ma mère eut l'idée de faire comme moi, mais du côté opposé, sur la RN 74, du côté du quartier du dessus, comme l'on disait. Elle vit alors une immense lueur au dessus du parc: on entendait des bruits de bouteilles cassées, des cris: "Au secours ! Au secours ! " Cette fois la peur nous étreignit, ma mère s'écria: " Partons, ils brûlent les gens dans les maisons! "

Quelques vêtements rassemblés à la hâte, papiers familiaux, vélo, le tout déposé dans le jardin. Puis c'est l'escalade de 2 grillages de clôture avec nos voisins qui nous avaient rejoints par notre jardin. Lorsque nous avons atteint la vigne et que l'on a commencé à ramper, nous vîmes par une petite fenêtre fermée par un rideau des ombres qui allaient et venaient: les allemands venaient d'entrer dans la maison de nos voisins ! Nous décidâmes alors d'aller à Prissey , village voisin situé à 2kms. Mais arrivé à l'extrémité d'une vigne, un homme nous dit: "Vous ne pouvez pas aller par là , un train stationne sur la voie ferrée". Il fallut donc se résigner à rester caché dans les rangs de vignes. Nous eûmes tout le temps de regarder le triste "spectacle" qui s'offrait à nous: les maisons situées en bordure de la route nationale n'étaient qu'un vaste brasier; des toits s'effondraient faisant monter au ciel des gerbes d'étincelles. Triste feu d'artifice !

Des balles traçantes sillonnaient le ciel, par intermittence. Par 3 ou 4 prises certaines tombaient tout près de nous en produisant un claquement sec. Ce fut un miracle: ni tué ni blessé parmi les 13 personnes qui se trouvaient avec nous. De temps en temps une petite fille de 8 mois pleurait, sa mère la serrait contre sa poitrine pour étouffer ses cris. En effet à l'entrée sud du village, une mitrailleuse ou un fusil automatique tirait sur le village.

Lorsque le jour pointa, des têtes se montraient au dessus des rangs de vignes, regardant de tous côtés. Sont ils encore là ? Reviendront ils? l'inquiétude grandissait avec la levée du jour.

Puis vers 5 heures du matin nous vîmes notre maison brûler; sans pouvoir rien faire.. Dans notre quartier situé à l'est toute les maisons avaient été incendiées sauf une ! Pourquoi?

Vers 7 h lorsque l'on vit que le calme paraissait revenu, c'est vers cette maison miraculeusement épargnée que nous nous dirigeâmes  . Là après une nuit passé caché dans les vignes la maîtresse de maison  nous réconforta tous moralement et nous offra son petit déjeuner. "</ p>