Le vignoble des Boulardes

 

Ghislaine et Gérard JULIEN

 

Une vendangeuse

 

Le groupe de vendangeurs

 

Un Alsacien en Bourgogne

 

"Yougo" vide sa hotte

 

Les Alsaciens du groupe

 

L'heure du casse-crôute

 

La cuverie et le pressoir

 

Alain dirige le mout

 

cuve prête à être débourbée

 

Christophe en pleine action

 

Les 3 générations JULIEN

 

 

    

 

 


 

 

Ah ces vendanges 2003 ! Nous en parlerons longtemps ! Un ban de vendanges en Côtes de Nuits aussi précoce, un 19 août, de mémoire des plus anciens d’entre nous, c’est du jamais vu ! Il faut remonter en 1822 et 1893, un 26 et 28 août pour retrouver ce ban exceptionnel. En effet, Dame nature nous a gratifiés depuis fin février, en général, d’un soleil généreux qui a permis cette maturité très exceptionnelle, et quand on sait que la vigne est fille du soleil, alors…

 

A Comblanchien, et même dans d’autres localités vinicoles, tous les viticulteurs n’ont pas respecté ce ban du 19 août, et pour cause, la canicule aurait provoqué, entre autres, un départ trop rapide de la fermentation. Les conditions météorologiques étant plus favorables, c’est en général, le samedi 30 août qu’ont débuté ces vendanges 2003.

 

C’est cette date qui a été choisie au domaine Gérard Julien à Comblanchien, où je me suis rendu le lendemain dimanche 31. Gérard, 56 ans, et son épouse Ghislaine 55 ans, c’est toute la bonhomie bourguignonne qui m’accueille! Tous deux exploitent un domaine de 10 hectares à Comblanchien dans les climats suivants : Les Loges, Les Essarts, Aux Boulardes, Au Clos Bardot, La Platière, Les Retraits, Les Plantes aux Bois, La Julbigne. Les vins produits sur ces climats portent l’appellation Côtes de Nuits Villages. Ces vins rouges sont issus du cépage Pinot noir à jus blanc, unique en Côtes de Beaune et de Nuits.

Le domaine Gérard Julien est aussi propriétaire à Aloxe-Corton, en Côtes de Beaune, au climat Les Valoziéres. A Nuits Saint Georges, Gérard Julien est propriétaire Aux Bousselots, classé 1° Cru, Aux Saint Julien, Fleurières,Charbonnières, Longecourt, La Maladière, sans oublier l’un des fleurons de la Cotes de Nuits, Les Echézeaux, derrière le prestigieux Clos Vougeot !

 

En ce dimanche matin, le groupe de vendangeurs s’active Aux Boulardes. C’est tout près de la cuverie, il suffit de traverser la RN 74, et là, dans une immense parcelle, seaux et hottes se remplissent du précieux nectar. C’est Ghislaine, pétillante de bonne humeur, qui dirige un groupe de 35 vendangeurs et de porteurs. Ce sont souvent des habitués; Ils viennent en bon nombre d’Alsace, de Grenoble, de Marseille, du Jura, de Seurre, de Brazey en Plaine en Côte d’Or, de la région dijonnaise, mais aussi de …Comblanchien, comme Madame Billette qui participe au travail de la vigne et des vendanges depuis quelques décennies, la jeune Myriam Pellizzari qui a posé pour la photo, et le porteur Thierry Gouttier. N’oublions pas le porteur, baptisé « Yougo » originaire de Bosnie !

 

Malgré une petite fraîcheur matinale, la journée s’annonce belle et ensoleillée, mais sans commune mesure avec la canicule que nous avons connue durant ces trois premières semaines d’août. Les grappes sont bien mûres et très saines; Comment pourrait-il en être autrement ? Les petites averses tombées ces derniers jours ont favorisé la maturité et amélioré la qualité du raisin. Les quantités sont inférieures aux années précédentes, on parle de 30 à 40% selon les secteurs ! Quant à l’année 2003, certes, elle fera partie des grands millésimes, mais dire que ce sera une année de garde, il est un peu tôt pour se prononcer.

Sur le chemin, la benne de raisin se remplit, sous l’œil vif et attentionné de Gérard. Chaque porteur inscrit sur la benne le nombre de hottes déversées. « Il en faut de 7 à 9 selon les années pour faire une pièce de vin, ça donne une idée » me dit Gérard..

 

Alors qu’un groupe de coupeurs arrive au bout de leurs rangs, d’autres, plus habiles sont déjà repartis à l’attaque… C’est alors que Ghislaine bat le rappel des troupes pour la traditionnelle photo du groupe au complet, ceci dans une ambiance bon enfant !

Je quitte la joyeuse équipe et me voici, en quelques minutes à la cuverie où dans quelques instants, la benne chargée de son opulente vendange va arriver. Ici s’affairent, Christophe, employé permanent sur le domaine, aidé par Jean-Marc de Comblanchien, Michel et Alain. Mais voici qu’arrive le précieux chargement ! Une visse sans fin entraîne les grappes écrasées et séparées des rafles, vers les cuves de fermentation. Le temps de fermentation est de huit à dix jours, et c’est ce qui assure au vin sa couleur ou robe.

 

N’oublions pas l ‘intendance, car Gérard Julien nourrit et loge ses vendangeurs, comme le veut aujourd’hui la tradition. Je rencontre donc à la cuisine Jacky qui officie ici depuis une vingtaine d’années, et qui, en dehors de la période des vendanges travaille en permanence avec Christophe sur le domaine. Il sert environ 40 repas par jour, le midi seulement, aidé en cela par Jocelyne et Henriette. Aujourd’hui dimanche, ce sera une entrée de radis et rosette, et puis rosbif.

 

Mardi 9 septembre : La seconde phase de cette période vineuse, appelée débourbage ou décuvage est commencée. Christophe, torse nu, carrure d’athlète, à l’intérieur de l’une des cuves enfourche le moût encore humide à Alain qui le dirige vers le pressoir « Vaslin » acheté en 1977, mais qui fonctionne encore très bien. « C’est le principe de la machine à laver, et cela évite le piochage du moût compressé, travail si fastidieux d’autrefois ! dit Gérard. Le précieux liquide qui en découle repose désormais dans des fûts de chêne, où, lentement, il va développer ses arômes, vieillir, grâce aux soins que Gérard, amoureux de son noble métier sait prodiguer à cette occasion.

 

On ne saurait quitter le domaine Julien, sans rendre visite au patriarche du domaine, au Papy pour ses intimes, au doyen de Comblanchien, Armand, qui va allégrement sur ses…96 ans, au mois de novembre prochain. Lucidité, vivacité d’esprit, tels sont les maîtres mots qui frappent son interlocuteur ! Parler avec Armand, c’est bien sûr toute l’histoire du 20° siècle, et toutes ses vicissitudes qui défilent en quelques instants. C’est aussi l’histoire du village et de la vigne à laquelle Armand a consacré une très grande partie de sa vie. « C’est ma 84° vendange » me lance-t-il, droit comme un I !

En effet Armand Julien est entré à 12 ans dans ce métier. Il travaille avec ses parents dans quelques vignes provenant de l’héritage familial. Puis, le domaine s’est agrandi avec l’acquisition de quelques parcelles. Et Armand me livre quelques souvenirs, la pénibilité du travail, entièrement manuel., les conséquences de la première guerre mondiale : « Je me souviens avoir vu ma mère, le bidon dans le dos, sulfater les vignes en l’absence de mon père mobilisé, mais elle vendait le raisin, ne pouvant physiquement faire le vin » . Les mauvaises années, la mévente du vin due à la concurrence effrénée des vins du Midi et d’Algérie, n’étaient pas étrangères non plus à la situation précaire des vignerons ; « On ne vendait rien, on ne voyait pas de courtier, le coteau était planté en grande partie en gamay, sauf quelques parcelles en pinot, appartenant à quelques propriétaires aisés » Il m’explique qu’il fallait intervenir auprès de l’un de ces propriétaires visité par les courtiers pour se faire connaître. Et d’ajouter : « J’ai vu mon père, monter des quartauts de vin avec une brouette à la cantine des carrières ! » Quand on connaît le chemin pentu et malaisé de l’époque !

Témoin de la crise économique des années 1930, Armand a creusé, en compagnie d’autres vignerons nécessiteux, des tranchées nécessaires à la construction d’égouts pour le compte de la commune.

 

Autre tragédie de l’histoire dont Armand a été victime :En 1939, il est mobilisé, mais échappe à la capture en 1940. Le 21 août 1944, lors de la nuit tragique,.avec son épouse, Marthe, il s’enfuit furtivement par le jardin situé derrière sa maison et se réfugie à Premeaux, le village voisin et Armand poursuit : « Quand je suis revenu, au petit matin, je n’avais plus de maison, mais ma cuverie était épargnée ; ils avaient mis le feu dans de la paille mélasse que je donnais à mes lapins et dans un sac de vitriol (sulfate de cuivre). La viticulture, activité économique reconnue utile par la Nation, sa maison est reconstruite rapidement.

Après la seconde guerre mondiale, c’est une ère nouvelle, qui s’ouvre et qui va contraster fortement avec ces quatre premières décennies du siècle.. Le travail se mécanise lentement. Dans les années 1950, Armand achète sa première voiture, une camionnette Peugeot 203 bâchée « pour aller aux vignes »

 

Comme de nombreux vignerons, il va « faire de la bouteille » favorisé par l’apparition de l’appellation « Vins fins de la Côte de Nuits » puis de « Côtes de Nuits Villages » Une aisance financière s’installe, le domaine s’agrandit, et Armand va transmettre petit à petit le flambeau à son fils Gérard.

 

Hélas ! Toute cette vie de labeur a été gâchée en 1989 par le décès de son épouse, Marthe, à la suite d’une longue maladie. « Je me suis occupé d’elle pendant 12 ans » me dit gravement Armand. Heureusement, la naissance de son petit fils va l'aider à surmonter ce grand chagrin. Aujourd'hui il coule chez lui des jours de repos bien mérités, entouré par son fils Gérard, sa belle fille Ghislaine et son petit-fils Etienne qui habitent tout près. En bonne santé, il se plaint simplement d’avoir un peu mal aux jambes ; à la belle saison, il va « un peu sur le chemin derrière chez lui, voir les raisins ». Il fait également un tour, surtout en cette période de vendanges, dans la cuverie pour s’informer sur l’état des raisins et donner encore quelques conseils. C’est d’ailleurs lui, ma confié Gérard, qui consigne sur un carnet les caractéristiques de chaque cuvée, et calcule, sans machine, qu’il possède pourtant, ce qu’ il y a lieu de faire en fonction des analyses pratiquées par les laboratoires d’œnologie.

Il prépare ses repas, fait sa lessive, lit le journal, regarde la télévision, s’intéresse aux manifestations sportives, en un mot à toute l’actualité qu’il commente avec clairvoyance.

 

Comme quoi, le bon vin consommé avec modération, bien sûr, peut être un élixir de jeunesse !

A 96 ans, bientôt, que demander de plus ? Et quoi ajouter ?

 

A bientôt Armand ! Et continuez de nous étonner encore longtemps !

 

Jacky Cortot

 

Téléphone Gérard Julien :03 80 62 94 22

Fax :03 80 62 70 48