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En représailles aux idées patriotiques du village et aux soupçons de résistance qui pèsent sur certains habitants, les allemands  engagent une opération punitive contre Comblanchien

 

 

 Que s'est-il passé ?

Les idées républicaines et progressistes qui dominent à Comblanchien sont bien connues dans le secteur et notamment par les auxiliaires locaux des partis de la collaboration. L’un d’entre eux, le jeune A.B est originaire de Comblanchien, et membre de la Ligue française de Costantini. Il séjourne de temps en temps au village où il épie, où il écoute.

Le 27 avril 1942, André Lefils, militant communiste, est fusillé à Dijon. Cette exécution est considérée par les allemands comme une première. Pour eux, c’est évident et déclare que Comblanchien « ce village de carriers et vignerons » est un village « terroriste ». Premier avertissement ! Mais la lutte continue.

En 1943/44 des organisations de résistances naissent à Comblanchien : groupe F.T.P. d’Arcenant et Armée secrète de Comblanchien et Corgoloin. Au total c’est une vingtaine d’hommes du village qui participent au combat clandestin. Pour les allemands, Comblanchien est de plus en plus un village « terroriste » et ce n’est pas pour rien que le Capitaine Schoning s’installe avec ses gardes-voies au Château Deslandes au printemps 1944. En effet, ces hommes n’ont-ils pas déclarés à une fermière du village de Prissey, où ils cantonnaient auparavant : « Nous, partir Comblanchien, parce que village terroriste ! » Deuxième avertissement ! Au début de l’année 44, afin de lutter contre le « terrorisme » la Gestapo enrôle des membres de la ligue Costantini dont le jeune A.B. natif de Comblanchien. On imagine la suite logique des événements… Mais l’allemand est aux abois, il sent la victoire lui échapper car l’armée française approche. Il est temps d’agir !

Nous sommes le lundi 21 Août 1944. Pour les allemands, Comblanchien doit payer le prix de son attachement aux valeurs républicaines et patriotiques… La nuit la plus longue va commencer.

 

Elle aurait pu s’appeler une belle nuit d’été, car la journée avait été inondée par un chaud soleil. Vers 20h30 / 21h, les garde voies allemands du château Des landes parcourent certaines rues du village. Pour les quelques témoins qui les aperçoivent,c’est une heure inhabituelle et de plus ils paraissent en état d’ébriété ! Peu avant 21 heures, heure du couvre-feu, Claude Henry et Henry Robert venant de Nuits-St-Georges à bicyclette constatent avec inquiétude, la présence de camions vides, stationnant côte de Premeaux, côté Comblanchien. A l’opposé côté Corgoloin, face à la Société Française des Nouvelles Carrières, quelques camions stationnent également. Ces véhicules se trouvant hors agglomération, c’est secrètement que le dispositif répressif se met en place. Vers 21h40, coups de fusil se font entendre ; les balles sifflent, incendies ça et là quelques hangars de paille. Des témoins qui se hasardent à sortir, remarquent avec stupeur que des soldats très excités courent dans les rues, tirent au hasard et en l’air ! Ce sont les garde voies allemands du château, aperçus tout à l’heure, qui simulent une attaque de la résistance afin de masquer l’opération punitive. Ce sera la seule mission effectuée par la garnison allemande de Comblanchien. Contrairement à leur version, aucun résistant n’était présent au village. Il est 22 heures, Comblanchien va subir l’assaut de deux groupes de soldats, l’un venant de Beaune composé d’une trentaine de Feldgendarmes de cette ville, l’autre, 80 soldats environ venu d’un train stationnant au bas du village entre Comblanchien et Prissey. Des postes de mitrailleuse sont installés en trois points du village.

Comme souvent, dans ce genre d’opération, les allemands sont accompagnés d’auxiliaires français ; quelques témoins affirment en avoir reconnu et entendu parler français. Sur la route nationale et rue de l’église, la répression est brutale, portes et habitations sont forcées et les habitants terroriser, se trouvent face à face avec une bande de soudards, parfois ivres et criant : « terroristes …terroristes ! » Ils incendient les habitations, expulsent violemment leurs occupants et les conduisent sous bonne garde sur la place de l’église. Bien entendu, les maisons vides de leurs occupants qui ont pu fuir avant l’arrivée des incendiaires en se réfugiant dans les vignes mitraillés de toute part, sont systématiquement incendiées. Aux yeux des allemands, s’ils ont fui, ces gens sont tout simplement des « terroristes ». Il va de soi, que les maisons, avant d’être incendiées sont pillées. Quand aux soldats du train, ils progressent d’est en ouest à travers champs et vignes et procèdent à la même « besogne » que ceux opérant sur la route nationale. Cependant, il semble que la rage et la haine qui étreint les soldats du convoi routier soient, dans certaines maisons moins ressenties que les habitants route nationale ou rue du miroir. Alors que les Feldgendarmes sont en uniforme et casqués, les soldats du train arborent une tenue plus laxiste voir débraillée.

Craignant peut-être une attaque de quelques « terroristes » dissimulés, les cours sombres, fermées par de grosses grilles, ne sont pas visitées de même que les bâtiments municipaux. Certaines maisons sont épargnées volontairement par les allemands, ce qui souligne le but répressif de l’opération menée obligatoirement avec l’aide d’auxiliaires français. Comme indiqué plus haut, tous les habitants, quelques uns pieds nus ou peu habillés, car certain ont été surpris au lit, sont rassemblés place de l’église et là, dans l’inquiétude et la peur des ordres fusent. Soldats de la route et ceux du train ne semblent pas d’accord. Quelques uns tentent d’ouvrir la porte de l’église, mais celle-ci résiste aux coups de bottes et de crosses. Devant cette impossibilité, car le pire étant à craindre, la population est dirigée par la rue de l’église vers la place de la mairie. En cours de route, la famille Henry Robert et Armand Gilles réussissent à s’échapper du sinistre cortège, en fuyant les uns à travers le parc municipal actuel, à l’époque très broussailleux, l’autre, par une grille ouverte sur une cour. Coup de fusil, personne n’est atteint.

Place de la mairie, un tri s’opère : 23 hommes de 15 à 70 ans sont rassemblés et conduits au train qui stationne à l’est du village. Femmes et enfants sont dispersés au sud de la localité.

Il est minuit, l’opération est terminée ; cependant, toutes les maisons non incendiées sont visitées. Un contrôle d’identité plus ou moins musclé est opéré (canon d’arme sur la poitrine) ainsi que quelques rapines, et vers 4h30 les soldats du convoi routier reprennent la direction de Beaune. Au petit jour, le train s’ébranle en direction de Dijon emmenant nos 23 otages à la prison de la rue d’Auxonne à Dijon. En ce lieu, l’un des détenus reconnaît notre jeune A.B. discutant avec les allemands, ce même jeune homme qui « épiait le village » avant l’incendie et qui a dû y prendre part ! L’un des otages, Eugène Roussée, cantonnier, patriote lorrain qui a refusé de porter l’uniforme allemand en 1914, s’adressant en allemand à l’un des gradés et lui demandant les raisons incompréhensibles de cette tragique répression, s’est entendu répondre « Les bons pâtiront pour les mauvais ». Une fois de plus, la preuve du caractère répressif de l’opération est irréfutable ! Après une nuit terriblement angoissante et un interrogatoire, douze hommes sont libérés et rentrent à Comblanchien. Onze hommes sont dirigés vers l’Allemagne, mais deux s’évaderont en cours de route, les neuf autre autres rentreront an printemps 1945 ; ils ne connaîtront pas les sinistres camps de la mort, mais reviendront terriblement diminués. Ce sont : Gaston Cartelade, Gaston Chopin, Albert Lefils, André Barle, Jean Bligny, Lucien Picard, Giuseppe Fistarol, Ugo Fistarol, et Jean Leroy.

 

 Que sont devenus les responsables du massacre ?

L’affaire de Comblanchien a fait l’objet d’une procédure devant le tribunal militaire de Lyon. Un non lieu a été rendu le 24 mai 1950, à l’encontre du capitaine Schoning, car aucune charge n’a été rapportée contre lui, de même pour un nommé Sturm.

Selon un témoignage d’un soldat allemand ayant séjourné à Comblanchien, durant l’été 1944, Schoning serait disparu sur le front de l’est. Le sergent-major Ratkje, commandant la section de Comblanchien, a été tué par ses hommes en Allemagne, car il ne voulait pas qu’ils se rendent à l’armée française !

D’après l’Institut d’histoire militaire de Potsdam, un mandat d’arrêt international a été lancé à l’encontre de Schoning, et de trois autres officiers et sous-officiers impliqués dans l’affaire. Cela a fait l’objet d’une procédure devant le Procureur de Cologne, classée sans suite, faute de témoins ! Le dossier relatif à l’affaire de Comblanchien a été transmis aux Ministère des Affaires étrangères à Paris, et n’est consultable, selon la loi en vigueur de 1979 que dans un délai de cent ans à compter de la dernière procédure, soit en 2050...

 

 Le Devoir de mémoire

Depuis 1945 le devoir de mémoire se poursuit sans relâche. En 1984, la municipalité décide d’apposer des plaques de rue, portant le nom des victimes de 1942 et 1944.

Malgré les ans qui passent, les générations qui disparaissent, le souvenir est toujours présent. Le devoir n’est-il pas de le transmettre, afin de ne plus revoir les horreurs de la guerre, et ses conséquences auxquelles notre Pays et plus particulièrement notre village ont été confrontés, trois fois en 70 ans..

               L'IMAGE            

 

Ce sont probablement ces mêmes "Feldgendarmes" qui quelques semaines plus tard brûleront Comblanchien . Cette photo très rare a été prise par un soldat allemand lors du massacre du village de Manlay en Côte d'or fin juillet 1944. (collection MRN)

 

         LES OBSEQUES      

 

L'unique image des obsèques prise à la dérobée par l'instituteur Guy Defossemont le 23 août 44 après-midi. Les autorités allemandes avait en effet interdit toute propagande. Quelques heures plus tard, une foule immense et recueillie assiste aux obsèques des 8 victimes. Un élan de solidarité sans précédent se manifeste dans toute la région ; une antenne du Secours National de Beaune, animée par des bénévoles du village et des villages environnants, est ouverte à la salle des fêtes, épargnée par l’incendie ; ils servent des repas et collectent des vêtements.

 

    COMMEMORATIONS    

 

Un an après, c’est sous un ciel voilé, un ciel de deuil, que se déroule le 21 août 1945, le premier anniversaire de cette nuit tragique .

Défilé des autorités religieuses civiles et militaire dans les rues de Comblanchien le 21 août 1945.

De nombreuses personnalités civiles et militaires sont présentes et notamment le colonel Forbes représentant l’armée américaine, et le célèbre chanoine Kir, maire de Dijon.

La commémoration du 50° anniversaire en 1994, tout comme celle du premier, revêt un aspect solennel et plein d’émotion ; le temps fort aussi de cette cérémonie, c’est l’exposition organisée par la municipalité et des bénévoles sur cette période douloureuse de notre histoire. En 1994, 44 habitants ont encore vécu les évènements.

         LE MONUMENT       

 

L’inauguration du monument commémoratif a lieu le 21 août 1948 ; c’est l’œuvre de bénévoles, tailleurs de pierre, artisans et maîtres carriers. C’est aussi cette année la, que Comblanchien est décoré de la croix de guerre avec citation.

 

© jacky cortot  2001-2005